Toi, à l’âme fragile, forte, toute entière cellule dont tu es seule à détenir la clef, nous y demeurons, enfouis sous la tendresse de nos commandements improbables.
Une cellule aux parois, aux serrures, aux barreaux faits de désirs, d’évocations, d’attente, d’exquise attente, de brutal enchantement rêvé… tu n’es rien, je suis tout, je ne sais rien, je sais la lumière qui nous confine à l’ombre où, prostrés sur la dalle de ta geôle, faite d’un corps à corps à tous deux, tu te plies pour tenter de trouver place sous nos exigences, tu tentes de renoncer à ta sauvage engeance, à mon profit, j’échoue à partager cet unique et sublimé profit tandis que tu échappes et flagelles de ton souffle cette chair qui n’est plus que nous.
C’est toi que j’aime, trop, tes rebellions, tremble qu’elles ne soient sources sûres de mes intimes violences, que tu ridiculises, pacotilles, dérisoires.
Nous ramperons d’amour, tu me le dois.
Nous ramperons d’amour, sinon rien.
Au tout premier tremblement de mes doigts, à ton seul regard légèrement appuyé, au plus léger changement de rythme de nos respirations je serai suspendu, tu seras infiniment attentive, il m’est, c’est acquis sur l’instant, impossible d’exister autrement.
Tu es, toute pénétrée de moi, c’est déjà beaucoup dire pour le peu que tu sois sans moi, tu es à tenir embrassée si tel est ton désir, libérée si telle est ma rouerie, amants perdus quand tel est notre loisir.
Tu es. Suis-je ?
Tu n’es pas tout, je ne suis pas rien.
Je suis bien peu sauf de toi. Tu es bien peu sauf de moi. Cela peut-il durer ? Cela a – t-il une réalité ? Pas plus de trente-quatre années.
Demeure à titre posthume prostrée là, au cœur de mon écriture, largement ouverts tous deux à toutes nos encontres, nos arrogances, nos échecs, je ne pourrai quoi que ce soit sans toi.
Obscure, mon émotion ? Je ne veux qu’une nuit, sous tes doigts, revivre.
Obscure, ma pensée ? Sous ta main velours dire ma peur.
obscure, mon émotion ?
Je ne veux qu'une nuit sous tes doigts, revivre
obscure, ma pensée ?
sous ta main velours dire ma peur
la romance, obscure la romance ?
oh mon amour je t'aime
obscure ma pensée
ou bien trop tendres tes baisers
qui font croire le printemps
qui font croire à nos vingt ans
au clair de lune aux embrassades dans les foins
à tout le saint - frusquin
aux rires qui chavirent
aux étreintes embaumées de lilas
aux musiques qui n'en finissent pas de saluer ton charme et danser mes frissons
obscure, la chanson ?
obscure, la chanson ?
nous ne sommes pas d'accord sur le titre
ni pleurs
ni prières nous ne sommes pas d'accord sur le refrain
tes bras qui brassent mes paroles qui parolent
trop la nuit nous a laissé de traces
je suis trop tôt pour un sans toi
tu es trop tôt pour un partir
je te veux, fille
une nuit tout entière
rien qu'une fille rien qu' une nuit
une vie tout entière
rien qu'une fille rien qu' une vie
toute une fille toute une nuit toute une vie
obscure, ma pensée ?
obscure, mon émotion ?
pas plus d'explications
plus aucune question
obscure, ma pensée
obscure mon émotion
le bar des treize coins, le panier, 1991